Sarkozy et le mariage homosexuel : un pas en avant, deux en arrière
Par Nicolas Pulicani
À l’heure où je vous écris, la loi Taubira rendant possible le mariage homosexuel est sur toutes les lèvres depuis quelques jours, notamment à l’UMP où, hier, dans le cadre de la course à la Présidence du parti, Mariton, Le Maire et Sarkozy ont parlé devant les militants du groupe « Sens Commun ». Et c’est à frémir.
Diviser pour plus mal régner
Hier, Nicolas Sarkozy a fait son show devant les militants de « Sens commun » afin de remporter leurs voix dans la course à la présidence de l’UMP. Au-delà de la répugnance que m’inspire cette ignoble danse du ventre faite afin de mieux draguer les réactionnaires de la Manif pour tous et du Printemps français, je ne peux que m’interroger sur l’objectif final de Nicolas Sarkozy.
Non seulement celui-ci fait preuve de la plus totale hypocrisie en promettant tout et son contraire afin de ratisser au plus large – d’abord on promet de ne rien toucher avant de suggérer l’abrogation de la loi, puis ô miracle, d’abroger la loi pour en réécrire une autre – mais en plus il joue, pourrions-nous dire, avec le feu car en faisant ce genre de déclarations Nicolas Sarkozy suscite encore plus la division.
La ségrégation sexuelle en France ?
En effet, celui-ci suggère carrément de faire un mariage pour les hétérosexuels et un mariage pour les homosexuels (!). M. Sarkozy déclare « Je veux un mariage pour les homosexuels, un mariage pour les hétérosexuels qui tiennent compte de la différence, parce que ce n’est pas la même chose ». Déjà qu’il nous dise où cela n’est pas la même chose ? Le mariage n’est-il pas un acte, certes religieux, mais aussi civil garantissant par là-même la reconnaissance des époux par l’État et la République ? Instituer un mariage différent pour les homos et les hétéros n’est-ce pas là un facteur de division, pire de ségrégation, simplement basé sur l’appartenance sexuelle, ce qui est contraire aux lois les plus fondamentales de la République ?

Nicolas Sarkozy lors du meeting organisé par l’association Sens commun, le 15 novembre 2014 à Paris.
N’oublions jamais que ce qui fait la force de notre société c’est de garantir aux citoyens les mêmes devoirs mais surtout les mêmes droits. Liberté, Égalité, Fraternité. Voilà à quoi nous devons nous en tenir. Lorsque la loi Taubira a été promulguée, il s’agissait surtout de garantir aux couples homosexuels une égalité juridique vis-à-vis des couples hétérosexuels, notamment en matière d’héritage et de filiation juridique. Jusqu’à l’adoption de ladite loi, un enfant ayant été adopté par l’un de ses deux parents ne pouvait hériter que de celui qui l’avait adopté et pas du deuxième, qui n’avait par ailleurs aucun droit parental sur lui. Il en allait de même pour la succession entre les deux compagnons.
L’art de promettre tout et son contraire
Heureusement, un tel projet ne semble pouvoir être à l’ordre du jour car ce serait contraire à la Constitution et la Cour Constitutionnelle ne saurait mieux faire son devoir qu’en la faisant respecter.
Et dire que c’est le même homme qui en 2007 promettait de créer une union civile pour les couples homosexuels et pour qui l’amour homosexuel se devait d’avoir de la reconnaissance sociale. Nicolas Sarkozy entretient une sorte de flou artistique autour de sa position actuelle, dixit pour « rassembler » sa famille politique. Mais il semble oublier une chose, qu’a si bien dite Abraham Lincoln : « Vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps. Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps. Mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps. »
Et vous, qu’en pensez-vous ?
La semaine dernière, L’INSEE a publié les premières statistiques sur les mariages homosexuels : http://www.abcdragees.com/mariage-homosexuel-en-5-chiffres/
En 2013, il y’a eu 7000 mariages homosexuels. Déjà 15 pays ont autorisé le mariage gay
J’aimerais comprendre votre point de vue, pourriez-vous m’expliquer ce que vous sous-tendez par filiation ? Pour moi, la filiation s’établit pleinement par l’adoption car l’enfant rentre dans une famille avec parents, grands-parents, cousins, oncles et tantes. Quelle est pour vous le sens de la filiation ? Par ailleurs, en accueillant un enfant adopté dans une famille, ne lui offre-t-on de nouvelles racines ?
Bien cordialement,
N.P
Je suis partagée sur ce sujet : je me contrefiche de la sexualité des gens, jusqu’à preuve du contraire, (et au même titre que des considérations comme la couleur de peau, l’aspect physique par exemple), l’orientation sexuelle n’empêche ni de travailler, ni de respirer. Le simple fait d’en parler me fait dire « occupez-vous de votre pas de porte ». Et pour en revenir au mariage, il est question de couple, donc d’amour : peut importe la composition de ce couple.
Par contre, je suis totalement contre le statut des enfants dans un couple homosexuel : avoir sur son état civil deux parents de même sexe est tout simplement un mensonge et une hérésie.
Et physiologiquement c’est impossible. Un enfant se pose déjà énormément de questions, il recherche sans cesse ses racines (enfant adopté ou enfant né sous X, ou de père inconnu etc…). J’imagine assez bien les interrogations lorsqu’il faudra lui expliquer qu’il a été conçu de deux parents de même sexe !!!
Alors mariage oui, adoption des enfants oui, deux parents de même sexe sur l’état civil, non et archi non !!!!
Bonjour à vous. Je suis l’écrivain de cet article. Sachez que je respecte votre opinion, mais je me pose la question : pourquoi ce refus de voir les deux parents adoptifs inscrits sur l’état civil de l’enfant ?
Celui ne lui interdit pas ses racines, bien au contraire cela lui en donne en l’enracinant dans les registres avec ses deux parents adoptifs, reconnus à plan égal au niveau juridique en termes de filiation, notamment, et je l’ai souligné dans l’article, en matière d’héritage, car, dès lors, l’enfant pourra hériter de ses deux parents, au lieu du seul qui lui sera reconnu, administrativement parlant. D’autre part, l’enfant garde tout de même un accès à ses origines via son dossier d’adoption, ou autre.
Enfin, il me semble que lorsque l’enfant s’interrogera sur quelles sont ses origines, on ne peut décemment lui dire que ses deux parents adoptifs sont ses géniteurs. Vous avez raison, ce serait un mensonge grossier dont l’enfant se rendra bien vite compte, car les enfants sont suffisamment intelligents pour se rendre compte eux-mêmes de ces choses-là. Et, comme pour tous parents adoptifs, du même sexe ou non, les adoptants se devront donc d’expliquer quelles sont les origines de l’enfant et de répondre à toutes ses questions. Questions auxquelles ne peut répondre l’état civil, et dont il se moque bien.
Bien cordialement,
N.P
Bonjour Nicolas,
Les racines d’un enfant (et par extension de tout être vivant) ce sont les parents géniteurs : un homme et une femme (ou un mâle et une femelle).
S’il s’agit de donner une famille à un enfant via une adoption simple ou plénière, je suis d’accord, s’il s’agit de donner une filiation via deux personnes de même sexe, non, pas d’accord.
C’est assez complexe, mais via l’adoption, il y a autant de possibilités d’offrir la reconnaissance sur des droits à héritage ou à porter un nom : nul besoin de compliquer par un état civil mentionnant deux parents de même sexe, même si l’enfant aura accès plus tard à la « vérité ». Cela demandera des démarches éprouvantes, longues et des questions inévitables comme « pourquoi ma mère biologique m’a-t-elle abandonné(e) » ou « pourquoi mon père biologique ne m’a-t-il pas reconnu(e) ? »
Je fais cependant confiance à la vigilance des élus, jouer avec les mots est un exercice auquel ils sont rompus… J’ose espérer qu’ils ne confondent pas « racines » avec « adoption » ou « génétique » avec « amour »
Cordialement,
M.